Voici le premier article d’une série que je partage avec vous sur les métiers de chacun.
Chaque article a pour but de vous faire découvrir les dessous d’une profession grâce au récit d’une personne qui la pratique.
Aujourd’hui c’est Joséphine, 26 ans, chercheuse au CNRS qui se prête au jeu …
Tu es chercheuse au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). En quoi consiste ton travail exactement ?
Le travail d’une chercheuse, c’est… de chercher. En fait, il s’agit de suivre un processus scientifique pour comprendre comment une chose fonctionne. En premier lieu on se pose des questions, puis on regarde les publications d’autres personnes pour connaitre l’état de l’art sur le sujet. Ensuite il faut faire un planning des expérimentations possibles, réaliser les expériences (c’est là que je fais des mélanges bizarres dans des béchers^^) et tirer des conclusions sur ce que l’on observe. Une part non négligeable du travail de chercheur est aussi la diffusion. Pour avancer ensemble dans la compréhension des mécanismes, il faut s’intéresser à ce que font les autres mais aussi relater ce que l’on fait à travers des articles ou conférences auprès de nos collègues plus ou moins proches. Il n’y a qu’en rassemblant les cerveaux que la Science peut avancer.
En quel domaine es-tu spécialisée ?
Personnellement, je ne suis pas spécialisée… ou si : en pluridisciplinarité ! Plus sérieusement, actuellement je fais principalement de la nanochimie pour les biotechnologies : de la chimie à très petite échelle pour des applications dans le médical.
Sur quoi portent tes recherches en ce moment ?
Mes recherches actuelles portent sur des nouveaux outils pour l’imagerie médicale. Je développe des traceurs qui serviront à réaliser l’imagerie des vaisseaux sanguins dans le cerveau. Si le traceur circule assez longtemps, il pourra servir à suivre l’évolution de tumeurs dans le cerveau en fonction d’un médicament. Ainsi, ce sera un outil intéressant pour soutenir le développement de nouveaux médicaments contre le cancer.
Quelles études as-tu faites pour faire ce métier aujourd’hui ?
En fait, je me suis toujours intéressé à tout (ou presque) et mes études ont suivi mes envies du moment et des opportunités. Après un début d’études dans l’ingénierie générale, je me suis intéressée au domaine médical et à ce qui devenait à ce moment un domaine de mode : les nanotechnologies. Pour suivre cet intérêt, j’ai donc dirigé la fin de mes études vers la Nanobiotechnologie.
Quel a été le déclic qui t’as fait dire un jour, “-Je veux faire ce métier” ?
Dès mon enfance, j’ai été plongée dans le milieu de la recherche car je passais du temps dans le laboratoire de ma mère et je l’accompagnais à des conférences. Je savais que ce monde pouvait me plaire, même si ce n’est pas exclusif. Je souhaite continuer dans les domaines en lien avec le médical ou l’environnement… mais différents métiers pourraient me plaire.
Quel est le sens profond de ton travail, ce qui te plais dedans ?
D’une part, il y a bien sûr l’ambition de beaucoup de chercheurs : faire quelque chose qui pourrait être utile à la compréhension du monde ou même avoir des applications qui pourraient contribuer à sauver des vies ou la planète pour voir très grand. Mais plus que ça, c’est vraiment la curiosité qui guide mon quotidien, et plus qu’un sujet précis, ce qui m’intéresse est de découvrir d’autres personnes et d’autre sujets. Cette curiosité me mène naturellement à l’ambition de m’investir aussi dans la communication et la diffusion des connaissances, pour aller à la rencontre d’autres chercheurs. Une part essentielle de mon projet est aussi la transmission aux plus jeunes à travers l’animation ou l’enseignement…
Qu’aurais-tu à dire aux gens qui nous lisent concernant les chercheurs et la recherche ? (peut être sur les préjugés qu’ont les gens dessus à parfois dire que la recherche ne “sert à rien” ou “traîne trop”)
Tout d’abord, il faut différencier deux types de recherche : la fondamentale et l’appliquée. En ce qui concerne la recherche fondamentale qui va au fond de la compréhension de notre monde, elle se réalise forcément à une plus longue échelle de temps, mais n’en est pas moins indispensable. Comment voulez-vous créer des nouvelles choses, si vous ne comprenez même pas ce qui existe déjà ? Pour ce qui est de la recherche appliquée, elle est en général plus « rapide » mais il faut faire tout de même attention à ne pas brûler les étapes. Il y a des réglementations, fort heureusement, qui permettent de ne pas mettre n’importe quoi sur le marché sans vérification des dangers. Lorsque, par le passé, ces étapes ont été trop rapides, cela donne lieu à des abus et de grands débats de société…
En général, la recherche en France a beaucoup changé depuis 10-15 ans, en fonction du modèle économique vers lequel nous allons. On favorise de plus en plus la recherche innovante que la recherche fondamentale qui va finir par vraiment manquer… De plus, ce modèle impose de grandes contraintes aux chercheurs qui croulent de plus en plus sous les paperasses pour demander des financements de tous côtés… et ont ainsi moins de temps pour la recherche. Cette situation crée une ambiance de concurrence et ne favorise pas forcément la productivité scientifique.
As-tu une anecdote inattendue/rigolote (ou pas) à propos de ton travail ?
Tous les ans, au mois de juin, arrive l’été avec ses délicieux fruits: fraises, framboises, abricots, pêches… Et avec la chaleur, quoi de mieux qu’une bonne glace? Eh bien, dans un institut de physique, nul besoin de sorbetière et congélateur car les glaces sont faites à l’azote et d’un peu de force pour remuer le sorbet. Après avoir mixé les fruits et ajouté le sirop de sucre, on ajoute l’azote liquide peu à peu… il faut bien remuer, sinon la glace durcit trop vite car les fruits cristallisent. Avec la fumée et la grande marmite, ça ressemble un peu à Panoramix devant sa potion magique. Le résultat ne donne pas des forces surhumaines, mais c’est délicieux! Je publierai fin août un reportage photo dans un article sur les cristaux sur Echosciences Grenoble.
Voilà pour cette découverte du métier de chercheur à travers l’œil de Joséphine.
Et vous, pensiez-vous que c’est à cela que ressemble le métier de chercheur ?